
Difficulté : pas de problématique particulière
Utilisateurs : enseignants 1er et 2nd degrés
Niveau scolaire : de la maternelle au lycée
Présentation et intérêt pédagogique
La période "Covid 19" amène de nombreuses interrogations et expérimentations sur les problématiques de coopération et le validation entre les pairs. Dans ce contexte, à la maison, en alternance école-distance ou tout à distance, il peut être tentant pour l'enseignant de mettre en place l'évaluation par les pairs pour créer du lien.
Il s'agit d'aborder avec méthodologie la mise en œuvre d'un dispositif d'évaluation par les pairs. Il faut en effet être très attentif à créer des conditions favorables, afin que chaque élève soit acteur de ses apprentissages et vive positivement ce moment, sans difficultés conceptuelles ou disciplinaires.
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Cette fiche pratique reprend les principaux thèmes abordés lors d'un webinaire de Laurent Jeannin, qui aborde la coopération et la validation par les pairs d'un point de vue systémique.
→ Une première section, « Exemple d'utilisation »
, présente les éléments de la recherche, les outils et les méthodes scientifiques à disposition pour travailler sur l'évaluation par les pairs.
→ Une deuxième section, « Comment faire »
, aborde la mise en œuvre et le questionnement à mener avant de concevoir et de proposer un dispositif d'évaluation par les pairs.
→ Une troisième section, « Ressources associées »
, rapporte les réponses apportées par L. Jeannin aux participants du webinaire et vous propose un espace « do.doc »
en ligne pour continuer à échanger et mutualiser vos expériences (mot de passe : canopeIDF).
Exemple d'utilisation⚓
Postulat
Mise en situation tout à distance
Cf. Gibson, 1979
Cela nécessite tout d'abord un support : une plateforme, dont l'interface utilisateur est souvent peu ergonomique et "informaticienne", axée sur la navigation et du stockage de dossiers.
Il faut de plus noter que le 1er degré dispose moins souvent d'Environnements Numériques de Travail.
Le point essentiel à considérer pour l'évaluation par les pairs est le sentiment d'appartenance : pour évaluer les autres, il faut se sentir en confiance avec les autres.
Il peut être difficile d'éprouver ce sentiment ans un environnement un peu froid, "informatisé". Il est facilitateur de pouvoir évoluer dans une plateforme avec une représentation spatiale, et il est désormais possible techniquement de créer son environnement virtuel, pour un but autre qu'esthétique. De ce fait, le niveau de compétence dans les outils informatiques peut influer sur l'appropriation et le sentiment d'appartenance dans un collectif au sein de ces outils. Il est très sécurisant pour des élèves d'utiliser un espace de travail qui donne une image de classe.
Les affordances de l'espace sont importantes : il est plus agréable, par le truchement de la souris, d'accéder à un document sur une étagère, que de rechercher un fichier dans un dossier, lui-même dans une arborescence.
L'environnement numérique doit être contextualisé pour que l'élève soit présent et dans l'action.
Appropriation d'un guide de notation
L'enseignant va fournir un barème d'évaluation pour que les élèves acquièrent la compétence d'évaluer.
Quand un enseignant prépare un exercice, il établit un barème et sait précisément ce qu'il attend, les critères d'appréciations et les scores liés. Par sa compétence d'un savoir savant et du savoir à enseigner, il maîtrise de manière très explicite le contenu et le barème. Cette notion d'échelle sur un score n'est pas évidente pour un élève.
Respect d'une méthodologie
Pour que l'évaluation par les pairs soit cohérente avec celle de l'enseignant, la recherche montre qu'il faut avoir un certains volume de copies afin de pouvoir faire une analyse docimologique.
→ Il est important qu'1 copie soit évaluée par 3 pairs, ainsi que par l'élève lui-même et par l'enseignant. On voit que le pas du score et les modalités mises en œuvre ont une résonance absolue sur la qualité de l'évaluation, qui va elle-même avoir un impact très fort sur le sentiment d'auto-efficacité de l'élève et l'appropriation du dispositif.
Mise en place une problématique de communauté de pratiques et d'apprentissage
Cf. Wenger, 1998 / Henri et Pudelko, 2002 *
C'est indispensable à partir du moment où l’enseignant fait travailler les élèves entre pairs. Ensemble, à distance, les élèves doivent savoir et comprendre ce qu'on attend d'eux.
S'ils le savent globalement (suivre le cours, répondre aux exercices, répondre à une interrogation écrite), c'est plus difficile en ce qui concerne l'évaluation par les pairs. Ils doivent, même si c'est anonyme, évaluer un camarade. Vont-ils mettre de bonnes notes pour rester en bons termes avec tous, ou bien essayer de trouver un juste milieu ?
Instrumentaliser la collaboration
Cf. Godinet, 2005 et 2007 *
L'enseignant instrumentalise la collaboration, qui n'est pas anodine. Que l'on soit dans un processus d'évaluation formative ou sommative, les élèves vont évaluer, donner un avis sur un pair.
Pratiquer une analyse docimologique
Quand on réalise une grille d'évaluation, il faut la tester avec une grille cobaye.
Les évaluations sont basées sur 3 métriques :
l'indice de difficulté. Par exemple, si une ou plusieurs questions ont été difficiles pour tous les élèves, le cours n'était peut-être pas assez explicite par rapport à la question, ou bien le barème n'était pas adapté, trop fermé ;
l'indice de discrimination. Si on obtient sur une question un résultat très panaché, qui ne respecte pas la courbe de Gauss, on peut se demander s'il faut ou non supprimer la question ;
le coefficient de consistance interne de Cronbach. L'alpha de Cronbach est un indice statistique variant entre 0 et 1 qui permet d'évaluer d'homogénéité d'un instrument d'évaluation.
α>0.90 : excellente fiabilité
0.80<α<0.90 :très bonne fiabilité
0.70 α<0.80 : bonne fiabilité ; peu d'items nécessiteraient des modifications
α<0.70 : évaluation à revoir
Conditions
Les élèves doivent partager un sentiment d'appartenance basé sur le savoir et le savoir-faire et le savoir-être et explicité pour l'apprenant social. Il va devoir travailler avec les autres, émettre un jugement.
Dans le modèle E.SAS (1998), le sentiment d'appartenance dans un rapport social se structure en deux éléments :
le sentiment d'acceptation : être en confiance, avoir compris, se sentir écouté ou estimé ;
le sentiment d'intimité : être proche, lié, attaché, se sentir uni...
La notion d'auto-efficacité est très importante
Elle s'appuie sur la théorie de l'engagement de Bandura. On peut l'aborder en se posant les 4 questions suivantes.
En tant qu'élève :
est-ce que je suis à l'aise avec... est-ce que je suis en difficulté avec... est ce que je peux faire quelque chose avec... ?
est-ce que je suis capable de partager la compétence avec les autres ?
est-ce que je sais faire ou refaire, du point de vue du potentiel de projection à des fins de développement personnel : suis-je capable de refaire pour moi voire pour les autres ?
est-ce que je suis capable, je me sens capable d'utiliser cette compétence ?
La gamification ou ludification
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1 copie est évaluée par 3 pairs, par l'élève lui-même et par l'enseignant.
Ce système va favoriser un travail sur l'auto-efficacité et l'autoévaluation.
On considère 4 composantes de l'engagement et du sentiment d'auto-efficacité :
la maîtrise personnelle ;
l'apprentissage social ;
la persuasion par autrui ;
l'état physiologique et émotionnel.
Comment activer les 4 dimensions dans un écosystème numérique ?
L'évaluation par les pairs n'est pas une panacée qui permet facilement un travail collaboratif. Si l'élève qui évalue est en très grande difficulté, dans un rapport social à l'apprentissage ou dans une maîtrise personnelle de la compétence, il va être parfois plus en difficulté et son évaluation va lui renvoyer sa propre difficulté sans la dépasser. Cela peut engager un état physiologique et émotionnel compliqué, et mettre à mal sentiment d'auto-efficacité et engagement.
Pour travailler autour des 4 composantes, il y a 3 phases : l'initialisation, le suivi et les feedbacks.
Comment faire⚓
Pas à pas : la problématique d'initialisation dans l'évaluation par les pairs
Maîtrise sociale
On peut faire dessiner à l'élève son profil personnel (leader, suiveur, attitude face aux autres...).
Maîtrise personnelle
Est-il en capacité d'auto-évaluer ses compétences ? Est-il en capacité d'auto-évaluer ou d'auto-positionner l'intérêt d'évaluer ou d'auto-évaluer ses compétences ? Question importante : l'élève voit-il l'intérêt réel de se faire évaluer par autrui ou de s'évaluer lui-même ?
Prédiction
Il faut considérer que l'évaluation par les pairs peut devenir chronophage pour l"élève. Il a 3 copies à corriger, avec chacune des résultats possiblement différents, et également différents du résultat de l'élève. Il va devoir travailler à nouveau, faire un feedback, peut-être revenir vers le cours voire refaire l'exercice. A quel rythme mettre en place ce type d'évaluation ?
Apprentissage social
L'élève est-il dans une perspective d'apprentissage plutôt solitaire, en pairs, par groupe ?
Privilégie-t-il des groupes d'échanges, dans un contexte scolaire ou hors-scolaire ?
Persuasion par autrui
L'élève est-il en capacité d'être persuadé par l'autre ? Peut-il le considérer comme une ressource et pas uniquement comme un "ennemi", un ami, une personne qui suscite de l'indifférence...
→Avant de mettre en place l'évaluation par les pairs, il faut s’interroger sur le profil de ses élèves, afin de ne pas les mettre en difficulté soit personnellement, soit socialement, soit d'un point de vue de l'apprentissage.
Pas à pas : feedback et suivi
Feedback
Quand on met en place un système d'évaluation par les pairs (un exercice avec un barème, une cotation, un contenu d'évaluation...), il faut très rapidement retravailler sur la problématique de l'état psychologique et émotionnel. L'évaluation par les pairs n'est anodine pour personne (élèves ou enseignants...). Il faut prêter attention à l'engagement de l'élève : il a pu consacrer beaucoup de temps à l'exercice, entre des résultats très différents et un barème qu'il a du mal à appréhender.
Cet élément d'engagement est primordial en enseignement à distance. Il faut réussir à articuler l'ingénierie pédagogique avec des dispositifs numériques et les 5 éléments évoqués précédemment : maîtrise sociale, maîtrise personnelle, prédiction, apprentissage social et persuasion par autrui.
L'élève doit se positionnement sur le sentiment d'apprentissage : était-ce facile, difficile, pas facile ? Cela l'a-t-il intéressé, pas intéressé, pourquoi ?
Suivi
L'évaluation par les pairs peut apporter énormément à l'évaluation formative, l'estime de soi, l'engagement dans la tâche.
Les résultats de recherche montrent que quand les conditions sont mises en place, et si, quand l'élève est en difficulté, on refait un feedback sur le psycho-émotionnel, les effets sont très positifs. Cela nécessite beaucoup de temps.
Il est intéressant de faire un récolement des données individuelles et une mise en perspective entre intention et comportement. L'élève a-t-il été sensible à la notion de barème, de note ? Son comportement d'évaluateur a-t-il évolué ?
En termes de suivi, l'enseignant doit toujours prendre en compte la difficulté de cet exercice, inciter, rappeler, encourager.
Pas à pas : résultats de recherche
Étude de l'effet du système d'échelle de barème sur le rapport à l'évaluation
Recherche menée à partir d'expérimentation avec 2700 élèves (plusieurs copies, plusieurs temps dans l'année, toujours le même dispositif, pas de variables personnelles))
On considère 3 vagues :
- une échelle de valeurs 0 ou 1 (binaire : c'est juste ou c'est faux) ;
- une échelle de valeur avec des pas de 0,25 ;
- une échelle de valeurs de type Lickert avec 5 niveaux d'appréciation (par exemple : Tout à fait d'accord / Plutôt d'accord / Ni en accord ni en désaccord / Plutôt pas d'accord / Pas du tout d'accord).
Statistiquement, en fonction des vagues, le score moyen issu de l'évaluation par les pairs est inférieur au score de l'évaluation du tuteur.
Dans l'échelle de valeurs 0 ou 1 ou dans l'échelle valeur avec des pas de 0,25, le score de l'évaluation individuelle (auto-évaluation) ou le score de l'évaluation par les pairs est inférieur au score de l'évaluation de l'enseignant.
Si on utilise des échelles de valeur type Lickert, le score de l'évaluation individuelle est supérieur au score moyen issu de l'évaluation par les pairs.
Les systèmes d'échelle ont donc un impact non négligeable. Il n'y a pas de statistiques significatives entre filles et garçons, ou entre 2nd degré et enseignement supérieur.
Plus l'initialisation suivi feedback est rigoureuse, avec des échanges avec les élèves, plus les écarts se réduisent avec la notation de l'enseignant (la notation par les pairs reste tout de même inférieure.
Méthode : Synthèse
Travailler en amont sur la grille d'évaluation pour élaborer le barème qui sera fourni aux élèves (analyse docimologique, de Cronbach).
Toujours soutenir le sentiment d'auto-efficacité et l'engagement de l'élève : s'assurer avant de commencer que chaque élève a bien compris pourquoi et comment il évalue.
Préserver l'anonymat des évaluations.
Respecter le "3 + 1 + 1" (3 pairs correcteurs, l'enseignant et l'élève lui-même). Ce principe multiplie rapidement le nombre de corrections : 4 par copie (cela peut être géré dans un tableur). C'est un bon outil pour travailler la collaboration.
Considérer que l'échelle de valeur du score n'a pas du tout la même valeur pour l'élève. L'évaluation ne donne pas du tout les mêmes résultats selon qu'on utilise des questions très binaires ou les échelles de Lickert.
Dans un barème sur 20, consacrer toujours 2 points pour la qualité d'évaluation. Cela pallie à une entente entre élèves, et valorise les élèves qui se sont investis.
Il est impératif d'initialiser la question d'évaluation par les pairs, par exemple par rapport au contrat didactique : l'élève attend qu'on l'évalue.
Points-clé : un barème très explicite et la considération de l'élève dans son environnement.
Ressources associées⚓
Captation du webinaire (26 mai 2020 - 26 min))
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Mot de passe : canopeIDF

Autres fiches pratiques (contenus accessibles en ligne en juin 2020)
Complément : Retours d'expériences
Rappel
À la maison, en alternance école-distance ou à distance, il peut être tentant de mettre en place l'évaluation par les pairs pour conserver un liant et créer du lien.
Il est impératif de créer des conditions favorables, afin que l'évaluation par les pairs ne soit pas un moment mal vécu par les élèves.
Quid des ceintures de compétences ?
Les ceintures de compétences ne quantifient pas par un nombre, et parfois les bornes sont difficiles à appréhender, mais il est probable que ce type d'évaluation s'approche des caractéristiques des évaluations par des échelles de valeur type Lickert.
Qu'on évalue un score, une ceinture... la grille d'évaluation doit être simple. L'enseignant doit être capable de décrire,d'avoir une approche de la progression de l'élève. Il donne dans le cadre de l'évaluation par les pairs la capacité à d'autres d'apporter ce même regard. Il y a plusieurs méthodes (binaire, échelle, Lickert...).
L'enseignant doit s'adapter et tester : il n'y aura pas "la" bonne solution dès le départ. Les élèves ne vont pas tous réussir à évaluer, ne vont pas tous comprendre vraiment quelle est la différence entre 0,25 et 0,75... Il faut tâtonner et surtout rendre explicite les manières d'affecter un score ou d'évaluer une progression.
Si on ne donne pas de note, il est toujours possible d'affecter une couleur, un score...
Quid de l'évaluation par les pairs dans un ENT ?
Exemple
Dans les ENT de type Moodle , il est possible d'ajouter un plug-in « Évaluation par les pairs »
. La gestion reste technique, sans tests docimologiques ou tests de Cronbach, sans considération du sentiment d'appartenance
C'est distinct du module Atelier, qui se charge de la collecte des travaux et de leur répartition entre les apprenants. Ce module favorise le travail collaboratif.
L'évaluation par les pairs sans outil numérique spécifique
Demander aux élèves de rendre les copies en indiquant leur nom uniquement dans le titre du fichier, et pas dans la copie.
Dans un fichier de tableur, on attribue un numéro à chaque élève : cela va constituer la table d'anonymisation. Ensuite il suffit de remplacer dans le nom de chaque fichier le nom de l'élève par le numéro correspondant.
Pour la correction, un élève corrigera sa copie et les 3 copies dont les numéros suivent (système d'anneau de Moebius).
Un formulaire en ligne peut être utilisé pour communiquer avec l'élève correcteur : il comporte le barème, et l'élève doit y indiquer son prénom et les numéros des copies corrigées.
Les notes (ou échelles de valeur) sont ensuite recopiées dans l tableur.
Le tableur permet aussi de trier les valeurs (si emploi d'une échelle de Lickert).
Comment renvoyer les copies sans ENT ?
Un espace de dépôt de documents peut suffire, avec des dossiers numérotés pour chaque évaluateur.
L'ingénierie nécessite quelques manipulations informatiques qui restent basiques.
Utiliser au service d'un dispositif d'évaluation par les pairs des outils numériques (tableur et formulaire), ne nécessite l'appropriation de fonctionnalités niveau expert.
L'évaluation par les pairs dans le1er degré ?
Cf. Montessori*, Dewey *, Freinet (ceintures de compétences)
Le principe reste le même mais dans une perspective très numérique. Il faut rester vigilant au principe même d'évaluer les autres et à la phase d'initialisation, commencer par exemple par des évaluations artistiques ou sur le mouvement.
Quid du barème dans le 1er degré ?
On peut commencer par des barèmes de 0/1, binaires. Cela reste indépendant des disciplines.
Dans des matières plus sujettes à la subjectivité, la difficulté est c'était la définition même du barème et du savoir sous-jacent. En mathématiques ou en physique, par exemple, il peut sembler plus simple de déterminer le bon résultat (données objectives). Mais cela dépend de ce que l'on cherche à évaluer par les pairs : est-ce un processus, la manière de penser ou est-ce le résultat ?
Au cycle 1 ?
C'est envisageable avec des élèves de moyennes et grandes sections
Avec l'application web Lalilo (apprentissage de la lecture), par exemple, un élève de grande section peut vérifier l'exactitude du choix d'élèves de moyenne section avant que ceux-ci ne valident leur réponse.
Quid des open-badges ?
C'est la transformation au XXIe siècle des ceintures de compétences de Freinet, dans un contexte numérique. Il s'agit de fournir à l'élève de manière autonome ou semi-autonome, en fonction de ce qu'il va produire, des badges de certification qui définissent son niveau d'acquisition de la compétence, tels par exemple initié, expert ou architecte. C'est également valable pour les adultes.
Un badge signifie que l'élève en capacité de travailler avec l'autre, de lui apprendre ou d'expliciter avec l'autre.
L'évaluation par les pairs ou la coopération vont avoir un impact important sur le sentiment d'auto-efficacité et l'engagement de l'élève. Elle est aussi conditionnée à une pratique très encadrée avec le barème, pour un traitement ultérieur de l'information optimal.
L'élève doit percevoir que l'on prend en compte son évaluation pour ne pas se désengager.
Faut-il toujours au moins 3 correcteurs ?
Statistiquement il n'est pas suffisant d'avoir 2 correcteurs , il en faut au moins 3.
Par exemple, si on utilise une échelle binaire et que l'on a 2 élèves correcteurs, un peut évaluer à 0 et l'autre à 1 : la vérité est peut-être intermédiaire. Il faut avoir une majorité pour voir se dégager une tendance.
Chaque élève évalue 3 copies de ses pairs et l'enseignant n'évalue lui qu'une copie (ou bien une sélection aléatoire).
Cela représente du temps pour les élèves, mais c'est un temps de formation, voire même d'institutionnalisation des savoirs.
L'enseignant est-il indispensable dans une évaluation par les pairs ?
Si l'évaluation par les pairs devient un rituel organisé, on se rend compte que les élèves sont plus sévères que les enseignants dans leur évaluation sommative. Cela a un impact sur l'auto-efficacité et l'engagement très important.
Les enseignants ont parfois du mal à abandonner le rôle d'évaluateur. Même dans les établissements les plus en pointe sur l'évaluation par les pairs, il a été observé que des enseignants continuaient à corriger quelques copies de manière aléatoire. Il s'est avéré que dans l'ensemble les valeurs apportées par les élèves entre eux sont analogues (bonne valeur ou valeur médiane).
Des précautions pour mettre en place une évaluation par les pairs ?
Il faut prendre en compte toute la difficulté de posture d'un élève évaluateur. Les élèves sont habitués à être évaluer, par quelqu'un, même dans des pratiques sportives collectives.
Le contrat didactique et le contrat social de l'école sont fortement ancrés : même si l'enseignant incite à des exercices ou des pratiques collaboratives, c'est majoritairement lui qui évalue et sanctionne d'un score. On considère également l'auto-efficacité et l'engagement, la matrice sociale et la matrice personnelle. Le jugement apporté par l'élève est-il celui de bon aloi ?
Il n'est pas obligatoire de déployer le dispositif dans un environnement numérique complexe. Le plus long à structurer est la grille de barème pour rendre explicite l'implicite de l'évaluation.
Il ne faut pas hésiter à expérimenter et innover par "petits pas", par exemple en proposant une évaluation par les pairs sur 1 ou 2 exercices. Il suffit de modifier quelques éléments qui mettent alors en situation de déséquilibre et sont évalués au regard d'indicateurs fixés en amont. C'est alors le moment de capitaliser, d'évaluer, d'installer des routines et c'est à ce moment seulement que l'outil technique entre en jeu.
L'important n'est pas l'outil technique, mais l'outillage que se construit l'enseignant pour maîtriser l'ingénierie nécessaire à la mise en place de routines qui lui dégagent du temps.
Peut-on prévoir un échange entre élèves sur l'évaluation d'une même copie ?
C'est tout à fait envisageable si le barème est explicite. Il faut absolument que l'enseignant apporte des arguments dans la grille de barème pour que les élèves puissent échanger et débattre. Elle doit être la plus documentée et la plus binaire possible.
L'échange et les débats doivent être impérativement centrés sur des éléments de savoir.
Quand le groupe élève maîtrise le processus, il est possible de mettre en débat une copie, réalisée par l'enseignant, pour s'assurer de la cohérence du contenu et du barème. En petits groupes (de 3 à 5), les élèves peuvent argumenter autour de la notation qu'ils proposeraient.
Ils travaillent alors entre pairs sur l'évaluation par les pairs, pour asseoir une culture commune collective du savoir.
Sur une note de 20, il est conseillé de mettre 2 à 3 points sur la qualité de l'évaluation par l'élève.
Quid de la grille d'évaluation ?
L'objectif est que les élèves soient en situation de réussite et aient donc une bonne note. L. Jeannin communique en amont à ses élèves la grille d'évaluation très détaillée et explicite, et est très exigeant. Le contrat didactique est transparent.
Quel sens donner à cette sévérité entre élèves ?
L. Jeannin suppose que les élèves prennent cette responsabilité d'évaluation très à cœur.
Selon les disciplines, l'évaluation est plus ou moins subjective.
Plus les barèmes sont fins, plus les élèves sont rigoureux et sévères.
Un renforcement de l'acquisition des compétences ?
L'évaluation par les pairs renforce l'acquisition des compétences. Ce doit être un apprentissage.
Cf. Perrenoud, Ph (2004). Évaluer des compétences. Éducateur, n° spécial, mars, 8-11.
Trois conditions permettent de considérer la compétence comme acquise :
la capacité de la réaliser en dehors du contexte d'apprentissage ;
la capacité d'évaluer quelqu'un qui met en œuvre cette compétence, en s'intéressant au processus ou bien au résultat ;
la capacité de la faire apprendre à quelqu'un d'autre.
L'évaluation par les pairs interroge ces 3 éléments.
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L'évaluation par les pairs suscite un travail important sur l'estime de soi (cf. les 4 piliers du sentiment d'auto-efficacité et d'engagement). Il est intéressant de considérer à quel moment les élèves se sont auto-évalués : en premier ou après l'évaluation de leurs pairs.
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En collège ou lycée, les élèves peuvent travailler sur la grille d'évaluation.
Quelle représentation pour les parents ?
L'enseignant peut commencer avec parcimonie sur des devoirs à la maison , informer les parents que les notations par les élèves sont finalement plus sévères.
Évaluation par les pairs : démarche, méthodes, difficultés et massification (JIPN 2016)
Complément :
Cf. L'innovation pédagogique par André Tricot
Recommandations d'usage et juridiques⚓
Pas de recommandation particulière sur les droits d'usage.